Jacques Hinderer, directeur de recherche émérite à l'Ites, a reçu ce 16 novembre 2022, la médaille d'honneur du CNRS.
Jacques Hinderer a reçu la médaille d'honneur du CNRS
Jacques Hinderer, reçoit la médaille d'honneur du CNRS
Les activités de recherche de Jacques tournent autour de la thématique de la dynamique globale et de la gravimétrie. Elles font suite à une longue histoire de la gravimétrie à l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg (IPGS devenu ITES au 1er janvier 2021) commencée après la 2ème guerre mondiale avec le professeur Robert Lecolazet qui avait acquis les premiers gravimètres mécaniques à ressort (North American & Lacoste-Rombert) en France au début des années 50, permettant l’étude novatrice des variations temporelles de la pesanteur, et notamment des marées terrestres.
Jacques a poursuivi ces mesures novatrices faisant de l'IPGS un des premiers observatoires dans le monde équipés d’une nouvelle génération d’instruments, les gravimètres supraconducteurs caractérisés par de plus grandes sensibilité et stabilité dans le temps, dès 1987, remplacé successivement en 1996 et 2018 par des développements ultérieurs. Ces dernières années, le parc instrumental a été grandement augmenté, puisque la France et le CNRS accueillent 8 de ces instruments, dont 6 sont sous la responsabilité directe du laboratoire.
En parallèle, l’Observatoire Gravimétrique de Strasbourg a accueilli le premier gravimètre balistique absolu acquis en France en 1997. Comme son nom l’indique, cet instrument permet une mesure « absolue » de la gravité g=9.80 m.s-2 jusqu’à la 8ème décimale, alors que les autres gravimètres (mécaniques ou supraconducteurs) mesurent les variations relatives de la pesanteur. Une autre caractéristique est la transportabilité du gravimètre absolu, ce qui a permis à Jacques ou à ses collègues strasbourgeois d’effectuer des mesures sur presque l’ensemble des continents, du Svalbard à Ny Alesund à 78° de latitude Nord jusqu’en Antarctique pour les régions polaires, aux zones équatoriales en Afrique (Bénin et Niger) ou en Polynésie (Tahiti).
Et au-delà, du moins de façon symbolique, Jacques a même quitté l’orbite terrestre, il y a une vingtaine d’années, pour s’intéresser aux développements des sismomètres large-bande prévus pour la mission martienne NETLANDER du CNES, qui malheureusement a été abandonnée par la suite. Toutefois une évolution de ces instruments fonctionne encore sur la mission INSIGHT sur Mars, et retournera prochainement sur la Lune…
Ne résumer les activités de recherche de Jacques qu’aux mesures gravimétriques serait très réducteur. Jacques a commencé ses travaux de recherche dans les années 80 par des études théoriques des modes propres de rotation et de translation de la graine (noyau solide) ou du noyau liquide terrestre. Les mesures gravimétriques servent en effet à observer et déterminer quelques caractéristiques physiques de ces phénomènes. Nous nous devons d’associer Hilaire Legros, professeur retraité, à ces développements puisqu’ils ont soutenu ensemble leur Doctorat d'Etat en 1987 et fondé l’équipe de Dynamique Globale au sein de l’ex-IPGS.
Puis, progressivement au cours de sa carrière, Jacques s’est rapproché de la surface, s’intéressant aux autres sources de variations de gravité, notamment le rebond post-glaciaire, c’est-à-dire la réponse visco-élastique différée du manteau terrestre à la dernière période glaciaire (causant une surrection de la surface atteignant le cm/an en Scandinavie ou en Amérique du Nord), puis les variations du contenu en eau dans la croûte qu’elles soient d’origines naturelles ou induites par les activités humaines notamment liées à la transition énergétique, c’est-à-dire la géothermie. Parmi les chantiers importants, on peut retenir le bassin versant du Strengbach dans les Vosges, mais aussi la zone équatoriale de mousson en Afrique de l’Ouest, avec le projet GHYRAF qu’il a porté. Pour la géothermie, évidemment il s’est intéressé aux activités locales à Soultz-sous-Forêts et Rittershoffen, mais aussi à l’Islande en collaboration avec des collègues allemands.
Jacques a également pris de nombreuses responsabilités au cours des années, tant aux niveaux local, national ou international, sans jamais freiner ses activités de recherche. Il a notamment pris la direction pendant 10 ans de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg. Mais, surtout il a été l’un des porteurs avec David Crossley de l’université de McGill à Montréal puis à Saint Louis, du Global Geodynamics Project (GGP) au sein de l’Association Internationale de Géodésie qui a permis l’échange des données, les discussions scientifiques, les collaborations entre les différents groupes hébergeant des gravimètres supraconducteurs dès 1997, et donc, tel Monsieur Jourdain, de faire de la Science Ouverte bien avant que ce concept devienne la norme des activités scientifiques. Strasbourg a continué de porter cet effort de coopération avec la création du service international IGETS en 2015.
Jacques a aussi activement participé à l’enseignement à l’EOST en Master 2 et 3ème année d’école d’ingénieur dans le module de Géodésie et Gravimétrie depuis 2000 ; nul doute qu’il a su éveiller l’intérêt des étudiants à la gravimétrie. Jacques a aussi encadré une douzaine de thèses sur des sujets divers autour de ces thématiques ; l’excellence scientifique de l’équipe et de Jacques, en particulier, fait qu’une grosse majorité (une dizaine) de ces anciens étudiants continue de brillantes carrières académiques ou para-académiques.
Félicitations pour cette brillante carrière.