SCERES Un grand modèle expérimental de nappe phréatique pour mesurer, modéliser et mieux comprendre les mécanismes de transfert réactif

SCERES, Site Contrôlé Expérimental de Recherche pour la réhabilitation des Eaux et des Sols  Site labellisé SNO H+ en 2008

Responsable : Olivier RAZAKARISOA (IR1 CNRS)

Réalisée dans le cadre de la collaboration historique entre le CNRS, l’ULP de Strasbourg, l’IFP, la Générale des Eaux et le BURGEAP, la plateforme expérimentale SCERES est implantée depuis 1992 au Campus CNRS de Strasbourg-Cronenbourg. Vaste installation d’un volume utile de 900 m3 pour tester et valider les développements technologiques dans les études de mécanismes de circulations et de contaminations souterraines, SCERES reconstitue dans un bassin souterrain en béton armé étanche de 25m sur 12 et d’une profondeur de 3m, un aquifère à échelle réaliste et à granulométrie comparable à celle des alluvions du fossé rhénan. Elle est à la disposition des collaborations scientifiques (organismes de recherche, secteur privé, bureaux d’études, collectivités etc.) pour la réalisation des travaux de recherche et développement (R&D).

SCERES est équipée de plusieurs instruments de mesures de paramètres hydrodynamiques (vitesse, débit, flux, pressions, teneur en eau, etc.) et météorologiques (T°, Hr, Patm., vent, etc.), de puits et piézomètres ainsi que d’un réseau spatial de cellules de prélèvements d’échantillons d’eau et de gaz. Le contrôle et la gestion de ses paramètres de fonctionnement (gradient hydraulique, débit, niveaux piézométriques, etc.) sont facilement accessibles dans les deux fosses techniques qui jouxtent la structure à l’amont et à l’aval. Les relevés piézométriques et les prélèvements gravitaires d’échantillons d’eau de la structure tridimensionelle étudiée peuvent être effectués dans ces deux fosses grâce au réseau de capteurs d’eau mis en place à différentes positions et profondeurs dans la structure aquifère. Il est également possible de compléter les approches par des prélèvements locaux (eau et gaz) et non perturbateurs effectués dans la nappe, la frange capillaire et en zone non saturée grâce aux cannes spécifiques installées à différentes distances et profondeurs.

Par ses dimensions et ses caractéristiques, SCERES est unique en Europe et offre la possibilité d’aborder, en situation quasi-réelle et dans des conditions contrôlées, les concepts et processus qui sont difficilement accessibles sur sites naturels, tout en maîtrisant l'ensemble des paramètres qui peuvent influencer le transport par l'eau et le transfert du polluant.

La plateforme expérimentale SCERES est non seulement pertinente dans le cadre de la structuration de la recherche mais aussi dans le cadre des formations et travaux pratiques proposés dans les différentes filières où les élèves-ingénieurs et les étudiants pourront approcher concrètement in-situ les mécanismes étudiés. Le site est pourvu d’une structure pérenne de toiture afin de protéger certains équipements sensibles et pouvoir conduire les expérimentations sans être perturbé par les évènements météorologiques aléatoires non souhaités. La surface de la plateforme est couverte d’un revêtement en caoutchouc perforé afin de garantir la stabilité du milieu, sécuriser les accès et circulations des personnes et permettre également des essais de géophysique électrique.

SCERES, quelles motivations ?

Les principales approches disponibles pour faire progresser nos connaissances dans les études de mécanismes de transfert réactif sont souvent confrontées à des complications.

Dans les expérimentations menées sur des modèles physiques de laboratoire, les recherches sont souvent handicapées par la taille limitée des dispositifs utilisés ; de même, les investigations qui sont conduites sur site naturel ou industriel peuvent être aussi délicates car la quantification des mécanismes en jeu est souvent difficile compte-tenu de la forte hétérogénéité des paramètres relatifs à l’hydrogéologie du site et/ou des incertitudes liées à la connaissance de la zone-source de pollution. Ces difficultés rencontrées aussi bien en laboratoire que sur site naturel vont se répercuter sur la performance de l’approche mettant en œuvre les modèles mathématiques de simulation qui, pour leur pertinence, nécessitent l’acquisition de données fiables.

Face à cette situation ont donc émergé les motivations de SCERES. Cette plateforme expérimentale incarne l’intermédiaire nécessaire entre l’échelle du laboratoire et celle du site naturel pour aborder à l’échelle réaliste et en conditions tridimensionelles contrôlées les processus de transfert (échanges entre phases, temps de séjour, bilan de matières, rôle de la frange capillaire, etc.), et étudier de manière plus représentative les mécanismes de transfert réactif dans l’hydrosystème souterrain.

SCERES, pour quoi faire ?

   Travailler en situation réelle sur un domaine parfaitement contrôlé

   S’affranchir de la taille limitée des modèles physiques de laboratoire

   Mettre au point des procédés et des modèles de simulation transposables sur le terrain

   Disposer d’un espace suffisant où l’on accéde à une approche graduée et où les techniques d’investigation et les moyens de dépollution peuvent être mis au point

   Quantifier les mécanismes de transfert par les approches croisées des trois échelles (laboratoire – site contrôlé – site industriel)

Parmi les travaux de recherche déjà abordés sur la plateforme SCERES, les mesures et analyses suivantes furent des exemples réalisés et peuvent être toujours poursuivies :

  • La quantification des transferts (concentrations, flux, bilan de matières, etc.) dans les zones saturée et non saturée, la frange capillaire, à l’interface sol/air et/ou dans l’air intérieur à travers des dalles de béton ;
  • L’impact des flux d’eaux verticaux (battement de nappe) sur les transferts du polluant (produit pétrolier, solvant chloré, NAPL, etc.) dans la nappe ou en zone non saturée et ses interfaces ;
  • La prise en compte des paramètres météorologiques (Patm., T°, humidité, vent) et des états ponctuels du champ de pressions de l’air du sol dans la détermination du transport (diffusif et convectif) des vapeurs du polluant présents dans le sol vers l’air atmosphérique ;
  • Le rôle de la frange capillaire et/ou de l’eau capillaire suspendue «nappe perchée» et des hétérogénéités dans les échanges entre zone non saturée et zone saturée
  • La validation de modèles numériques triphasiques de simulation adaptés à l’échelle du terrain

Quelques faits marquants

Les diverses actions déjà exercées sur la plateforme SCERES ont contribué à renforcer le transfert d’acquis scientifiques et de méthodes d’application concrète sur les diagnostics de cas de contamination sur site industriel, comme en témoignent ces quelques faits marquants :

- La démonstration in-situ de la capacité des solutions de tensioactifs à remobiliser vers le puits de pompage le polluant résiduel piégé dans le sol (formulation de tensioactifs permettant une très bonne performance aussi bien sur le plan des flux (perméabilité) que celui de l’efficacité de la récupération du polluant résiduel, essais issus d’un déversement accidentel de 480 litres de gazole soumis à des battements de nappe).

- La quantification des transferts de masse entre la zone non saturée et la nappe et l’impact des précipitations sur le transport des solvants chlorés ont fait apparaître l’importance des flux de vapeurs d’organo-halogénés volatils [trichloréthylène (TCE) et perchloréthylène (PCE)] dans l’air du sol (prédominance de la contamination sous forme gazeuse, dissolution des vapeurs, rôle de la frange capillaire, etc.)

- Le développement d’une approche de calcul visant à quantifier la distribution verticale en zone saturée d’un solvant chloré sous forme résiduelle à partir de concentrations en traces dissoutes mesurées à proximité de la zone source présumée. Cette approche innovante mise en œuvre sur la plateforme SCERES, s’appuyant sur une inversion itérative des profils de concentrations et couplée avec une modélisation numérique du transfert et du transport a également été appliquée à un cas de pollution en PCE sur un site industriel ;

- L’évaluation des performances de plusieurs méthodes de caractérisation de zones sources de pollution par les organo-halogénés volatils menée dans le cadre du programme de R&D MACAOH - ADEME (2002-2007), [méthode du traçage bisoluble (PITT), élaboration de méthodes et protocoles techniques permettant de guider les maîtres d’ouvrages et les bureaux d’études lors des diagnostics sur des sites industriels contaminés par des solvants chlorés, etc.] ;

- Dans le cadre du projet de R&D FLUXOBAT, le développement et l’optimisation de dispositifs pour l'évaluation des transferts vers l’air intérieur et/ou l’air atmosphérique des pollutions volatiles présentes dans les sols ;

- Le benchmarking de plusieurs types de préleveur d’eau multi-niveaux dans l’eau souterraine et la conception d’un préleveur multi-niveaux innovant afin de mieux prendre en compte les hétérogénéités de distributions verticales de concentrations dans l’eau souterraine lorsqu’on effectue des prélèvements d’échantillons d’eau dans les piézomètres (projet de R&D PEMN-ADEME (2011-2016)) ;

Contacts

S. Cotel (IR1 CNRS) ; P. Friedmann (TCE CNRS) ; O. Razakarisoa (IR1 CNRS) ; G. Schäfer (PU1 UNISTRA).