Nous avons choisi de réanalyser les profils d'anomalie magnétique sur les parties distales du système de marges Ibérie-Terre Neuve, convaincus qu'une approche plus directe que celle utilisée auparavant était possible. Des anomalies magnétiques sensées être produites par l'accrétion océanique y ont été identifiées avec l'hypothèse que la transition océan continent était formée par une dorsale ultra lente (Sibuet et al. 2007). Or l'analyse des profils de sismique réfraction/réflexion et des données des forages IODP montre qu'il existe d'autres possibilités que les inversions du champ magnétique terrestre pour expliquer ces anomalies. Nous proposons qu'un événement magmatique à la limite Aptien-Albien (pendant la période magnétique calme du Crétacé) est à l'origine de la création d'un haut topographique de socle et d'un sous plaquage de roches intrusives sous un domaine de manteau préalablement exhumé (Jagoutz et al. 2007, Péron-Pinvidic & Manatschal 2009, Péron-Pinvidic et al. 2007). A ce haut correspond une anomalie magnétique de grande amplitude jusqu'à présent identifiée comme l'anomalie J qui marquerait le début de la série des anomalies M. Nos modélisations directes montrent que les contrastes d'aimantation entre ces sous plaquages et le manteau exhumé peuvent constituer la source de l'anomalie J.
Les importantes implications de cette nouvelle interprétation sont nombreuses : 1) la cinématique du système Ibérie/Europe/Amérique du Nord est à reconsidérer en totalité, car l'anomalie J n'est pas une isochrone produite à l'axe d'une dorsale; 2) il n'y a plus qu'une seule phase d'exhumation du manteau entre ~140 Ma et ~112 Ma, à l'opposé des hypothèses antérieures (Tucholke & Sibuet 2007); 3) et plus fondamentalement du point de vue des concepts sur les relations TOC-océan, un événement magmatique aurait déclenché l'accrétion océanique (Bronner et al. 2011. Nature Geoscience).